Le syndrome d’Asperger dans la famille ? La composante génétique à l’œuvre…

Le syndrome d'Asperger dans la famille ? La composante génétique à l'œuvre...Elle s’appelait Odette & elle était ma grand-mère  :oops:

Si j’en parle au passé, c’est qu’après avoir fêté ses 97 ans cet été, elle s’en est allée il y a quelques jours, discrètement, dans son sommeil.

Aujourd’hui je vais assister à ses funérailles & pourtant je ne suis pas vraiment triste. Je sais qu’elle voulait partir… elle l’avait exprimé. Je ne pouvais pas l’en blâmer.

Étant athée, je place la volonté de l’intéressé(e) au dessus de tout, & surtout au dessus des avis & des jugements de ceux qui sont autour (famille, conjoint, enfants, amis). À mes yeux ce type de choix est sacré. On devrait tous pouvoir dire stop, au moment où on le veut.

Ce n’est malheureusement pas si simple dans notre société, évidemment  :?

J’étais bien plus peinée par ses derniers mois de vie, qui ne correspondaient certainement pas à ce qu’elle aurait voulu traverser, que par sa disparition même. Et puis je pleure rarement, c’est ma nature. J’analyse bien plus que je ne ressens, dans un premier temps.

Mes émotions arrivent toujours à retardement, ou en tous cas ne me sont accessibles qu’après coup.

Depuis que j’ai reçu mon diagnostic de syndrome d’Asperger, il y a six ans, j’ai spéculé sur certains membres de ma famille qui, selon moi, sont également porteurs d’autisme sans déficience intellectuelle.

La forte composante génétique des TSA implique que là où se trouve un autiste, d’autres – parmi les ascendants & les descendants – sont possiblement sur le spectre. Et comme tout handicap invisible, cela ne saute pas nécessairement aux yeux des profanes.
En revanche, les connaisseurs eux…

En plus de mon fils, diagnostiqué l’an passé, à 12 ans, dans le lot de ceux que je soupçonne d’être autistes se trouvait justement Odette  :round:

Ce n’était pas une femme des plus simples à cerner, & elle emporte avec elle ses secrets. Ce n’était pas non plus la meilleure des mères pour ses cinq enfants, ni la plus attentionnée des mamies pour ses onze petits-enfants. Mais j’ai toujours été persuadée, depuis aussi loin que je me souvienne, qu’elle faisait ce qu’elle pouvait, dans une vie qu’elle aurait aimée différente.

Je la ressentais ainsi, bien avant de savoir que j’étais autiste, & bien avant de croire qu’elle l’était aussi.

Peut-être étais-je dans le faux ? Peut-être n’aurais-je pas eu ce sentiment si elle avait été ma propre mère, & non ma grand-mère ?

On pardonne sans doute plus volontiers lorsque l’on n’est pas directement impacté, comme peut l’être un fils, une fille, un beau-fils ou une belle-fille. Et effectivement, ses fantaisies me faisaient plus sourire que souffrir, parce que j’étais protégée par mes parents.

Je ne saurai jamais si mon intuition était bonne, & si celle qui m’appelait “Alex, ma poupée” était bien autiste.

Sa grande naïveté pouvait bien sûr être le fait d’autre chose. Tout comme les crises qu’elle faisait & qui contraignaient son mari à arrêter la voiture (l’auto… comme il le disait ;) ) sur le bord de la route. Il leur fallait attendre à bord, lui & leurs enfants, le temps qu’elle en descende & s’isole.

Le temps qu’elle puisse retrouver son calme avant de reprendre sa place, dans cette voiture & dans cette vie.

Ces crises, incompréhensibles, que mon père me décrivait, comme il s’en souvenait étant petit garçon, me semblent plaider en faveur d’un TSA, à la lumière de mes connaissances.
Encore faut-il savoir ce qu’est une crise autistique pour les regarder ainsi. Et savoir qu’elles sont déclenchées par le stress, par une sollicitation trop importante (sensorielle, sensitive, sociale… voire tout cela à la fois), par des sentiments trop extrêmes (colère, énervement).

Les shutdowns & les meltdowns jalonnent la vie des personnes avec autisme  :roll:

Ça, & bien d’autres points que j’ai patiemment rassemblé dans ma tête depuis ces dernières années, me font terriblement penser qu’elle aussi était autiste, sans haut potentiel intellectuel associé :hum:

Le diagnostic vous amène à regarder le monde sous un nouveau jour. Et vos proches n’y échappent pas. Scanner son entourage se fait sans même y penser, avec un risque certain : voir de l’autisme partout, y compris là où il n’y en a pas :!:

Cependant les aspies ont sans doute toujours existé. Ce n’est pas une nouveauté, une mode ou une saleté attrapée via les écrans :x

Comme je l’écris dans mon livre :

On peut être aspie et passer sa vie entière sans jamais en prendre conscience. Les rencontres ne sont parfois pas au rendez-vous, et les maisons de retraite doivent compter pléthore de vieux Asperger qui n’ont jamais été et ne seront jamais identifiés comme tels.

Alexandra Reynaud, extrait d’Asperger & fière de l’être.
Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres

Asperger et fière de l'être. Voyage au cœur d'un autisme pas comme les autres

 

Tous ces autistes non diagnostiqués n’en sont pas moins autistes :up:

Recevoir un diagnostic apporte des clés & permet de mettre des mots sur un décalage, des comportementaux considérés comme excessifs ou insensés. Ce diagnostic agit tel un révélateur, il montre qui est l’individu, derrière les stratégies d’adaptation & les apprentissages, derrière les tentatives plus ou moins efficaces pour se fondre dans la masse, façon caméléon. Mais cela ne crée pas l’identité d’une personne.

J’évoquais cette réalité, parfois douloureuse pour certains, dans ce billet :finger: avant, j’étais là ! Le syndrome d’Asperger faisait déjà partie de moi.

Je n’aurai jamais la réponse. Je ne lui en ai jamais parlé & je ne sais d’ailleurs pas si elle se questionnait sur elle-même, si elle se sentait hors cadre, inadaptée à ce monde dans lequel elle évoluait déjà depuis près de 60 ans lorsque je suis née.

Une chose est sûre, elle s’est beaucoup cherchée au plan mystique.

Ma grand-mère a vécu toute sa vie selon son époque, selon des dogmes & toutes les contraintes imposées par ces deux-là.
Aurait-elle pu échapper à cela ? En tant que femme née en 1920, aurait-elle pu avoir le loisir de s’éloigner du rôle que l’on réservait à la gent féminine ? À savoir se marier & élever des enfants.

C’était un temps où l’on choisissait rarement sa vie, & où les aspirations personnelles & les envies n’avaient tout bonnement pas leur place dans le destin des gens… & en particulier celui des femmes  :fbcry:

Était-elle seulement en mesure de supporter cette vie familiale à grande échelle ? Il y a fort à parier que personne ne s’en serait soucié. Et peut-être bien qu’elle-même ne s’était pas autorisée à se le demander.

On ne le saura jamais. Mamie Odette est partie.

 

 

✏ Et pour aller au-delà du blog, je suis l’auteure de trois ouvrages parus aux éditions Eyrolles :

– “Asperger & fière de l’être. Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres“. Un regard unique en France sur le combo syndrome d’Asperger / haut potentiel intellectuel, paru en 2017 ; préfacé par le Dr Laurie-Anne Sapey-Triomphe & postfacé par le Pr Laurent Mottron ❤

 

– “Les Tribulations d’un petit zèbre. Épisodes de vie d’une famille à haut potentiel intellectuel” paru en juillet 2016, préfacé par Arielle Adda & le Dr Gabriel Wahl :-D

– “L’Enfant atypique. Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger… faire de sa différence une force“, un livre-outil paru en 2018 dans la collection très particulière (& en quadrichromie ;) ) “Parents au top” :smile:

          
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A propos Alexandra Reynaud

Twice Exceptional 【aspie HPI】&【synesthète】, diagnostiquée à 32 ans ◦˚ஐ˚◦ Ex-blogueuse & conférencière • Auteure aux éditions Eyrolles
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10 réponses à Le syndrome d’Asperger dans la famille ? La composante génétique à l’œuvre…

  1. Marina dit :
    Je suis peinée pour vous. Je vous lis régulièrement, depuis le diagnostic de notre fils. Nous sommes en train de diagnostiquer le degré en ce moment. Du coup je suis comme vous, je m’interroge sur moi et le reste de ma famille. Ma sœur, professeur d’université, mon frère, ingénieur , mon autre frère instit et artiste musicien et d’autres encore comme mon père, immigré qui compte plus vite que tout le monde réuni à 74 ans. Je ne sais pas quoi penser, jesoigaite me faire diagnostiquer car cela fait plusieurs mois que je me ressasse des souvenirs du passé et je me suis toujours dit que j’étais différente, sans savoir vraiment pourquoi. Je suis jeune instit depuis un an, je me cherche professionnellement parlant, j’ai déjà eu 10 vies mais ça ne me suffit encore pas… je ne sais pas si je devrais me faire diagnostiquer ou si ça ne sert plus à rien comme dit mon compagnon, nous avons assez à nous occuper de notre fils qui rentre en maternelle et qui ne parle pas, n’est pas propre mais chante déjà très bien!!! Bon courage pour cette épreuve ( je comprends quand vous dites que c’est plus triste de penser à ses derniers mois de souffrance ). Pour ma part je suis croyante mais je ne sais pas en quoi… à très bientôt et merci de mettre des mots sur ce que je ressens sans me comprendre vraiment.
    • Charline dit :
      Bonjour Marina, certains de vos mots rebondissent en moi comme “j’ai déjà eu 10 vies mais ça ne me suffit encore pas…” (à 59 ans, j’ai encore repris des études l’an dernier, dans l’espoir d’enfin “me trouver”); si vous me permettez de vous suggérer quelque chose, croyez en vous-même autant qu’en votre enfant. Merci à vous pour les commentaires et à Alexandra pour l’article.
  2. Leilalou dit :
    Toute ma sympathie pour le départ de votre grand-maman. Je ne suis rattachée à aucun dogme mais malgré qu’elle vient de quitter son corps je suis perduadée que votre grand maman est encore bien présente mais dans un autre plan, soyez attentive aux signes. Parfois les effets du deuil se font sentir tout de suite, parfois il faut attendre plusieurs semaines ou mois, mais un travail se fait toujours en arrière fonds. Je lis aussi assez régulièrement le blog. D’ailleurs j’en profite pour dire un grand merci pour cette mine d’informations. Tout de bon pour la suite.
  3. Divergente dit :
    Merci Alexandra pour vos témoignages..
    Découverte par hasard hpi à 50 ans, je me pose des questions sur un éventuel ta surtout lorsque je repasse le film de ma vie au filtre de ce que je sais sur l’autisme.. .
    Je voudrais aussi vous demander ce que vous pensez du comportementalisme en tant que “traitement de l’autisme. ..
  4. PatriciaF dit :
    oui elle aurait pu échapper à son époque car mon arrière grand mère a été l’une des rares femmes lectrice assidue de son journal tous les matins… Cela remonte à avant 1900…
  5. Marie dit :
    J’ai commandé votre livre ce matin chez mon libraire. Non pas que j’ai mis longtemps à me décider mais surtout que le temps me manquait. Il me manque toujours mais je lire votre ouvrage devient à présent comme une nécessité pour moi, ne serait-ce que parce que vous vivez cette semaine ce que j’ai vécu il y a quelques années. Après avoir appris la grande précocité de mon fils il y a un peu plus de deux ans, j’ai moi-même été décelée HQI il y a exactement un an (et un jour ; j’aime à dire que mon 2ème anniversaire est le 28 septembre). ENFIN. A 40 ans, j’ai enfin eu les réponses (ou du moins une partie) aux innombrables questionnements qui entravaient ma vie. Et ce fut évident : ma mère est une femme a haut potentiel. Et ma Grand-mère avant elle. Il est particulièrement difficile de ne le savoir que maintenant car la fin de sa vie a été d’une tristesse infinie, justement parce que personne, et encore moins les psychiatres qui l’ont droguée, n’a su déceler ne serait-ce qu’un dixième de qui elle était vraiment. Alors oui, je vais le lire, cette fois, votre livre ! Parce que le parcours de votre petit zèbre m’a aidé à relativiser celui de mon fils. Parce que, comme je le disais, je n’ai pas encore toutes les réponses sur moi-même et que je pense avoir encore pas mal de choses à découvrir. Mon intuition me dit que je vais me reconnaître dans vos pages. Et depuis un an, je fais confiance à cette intuition !
    En attendant, merci pour vos témoignages. Merci pour votre courage à oser partager cette sacrée différence. Et merci d’avance pour la force que je puiserais certainement dans vos lignes : il m’en faudra pour continuer à avancer sur ce nouveau chemin de vie…
  6. J’aime beaucoup tes derniers paragraphes, car ce sont les interrogations qui sont les miennes aujourd’hui … pas faite pour une vie traditionnel et un rangement dans la case sociale de la femme/maman … trop tard, ya plus qu’à inventer une nouvelle vie avec tout ça :p
  7. aspi ach't'heure dit :
    merci pour votre blog. Toutes mes pensées pour votre Mamie et pour votre famille.
    Cette question de “être ou ne pas être aspi” et de “qui l’est dans la famille ?” est une prise de tête …
    Compte-tenu des parcours de vie de “patachon” et autres sorties de route, probablement un certain nombre dans la mienne ! y compris moi à priori.
    La question subsidiaire : faut-il informer largement les proches sur le SA pour que chacun se reconnaisse et accessoirement soit reconnu comme tel ? c’est le deuxième point qui me parait le plus discutable : se retrouver avec l’étiquette Aspi n’aide pas forcément à progresser s’il n’y a pas de compréhension de l’entourage.
    Je suis partagé entre deux avis :
    – ne pas être identifié comme aspi aide (ou plutôt oblige) à acquerir les comportements adaptés (mais sans reconnaissance des efforts fournis)
    – être reconnu Aspi peut amener plus de compréhension mais aussi, et c’est un risque difficile à prendre, un rejet radical et destructeur de la part de certains…

    Avec l’age mes capacités d’adaptation diminuent et ma situation familliale se complique donc le rapport bénéfice/risque ferait plutôt pencher la balance vers un diagnostic mais je ne peux pas m’empêcher de penser à ceux de mes proches qui pourraient être impactés par ce coup de projecteur à repérer les aspis , prendre la décision de faire reconnaitre ce que je suis est plus difficile car elle ne concerne pas que moi au final …
    et si en plus le diag est un parcours du combattant !
    Je me dis aussi que c’est à la société de donner une place à chacun en fonction de ses capacités, de ses compétences , de ses faiblesses et angoisses sans être pour autant
    obligée de coller des étiquettes.
    Cela apporterait plus de compréhension bénéfique à tous. N’est ce pas plutôt la dessus qu’il faudrait se battre ?

  8. christine Ballieu dit :
    Wouaou, quel choc, je vous lie et oui la vie est dure. Je ne vais pas vous raconter mon histoire mais juste la fin. Pendant c’est quatre dernières années ma vie c’est bousculer en plus que les 44 autres. Et aujourd’hui je vois peut-être une réponse à des milliers de questions. Juste Merci. :fblove
  9. Ywan dit :
    C’est un article intéressant – et je dis ça sans le cynisme auquel on pourrait croire face au départ de ta grand-mère ; j’espère comme toi que c’était au meilleur moment pour tout le monde.

    Cela m’amène toutefois à certaines réflexions. Notamment, est-il besoin d’avoir conscience de l’autisme ? À l’époque de ta grand-mère ou de la mienne, ça n’existait pas, ou plutôt, on n’avait pas encore inventé les mots “autiste”, “spectre autistique” et encore moins “Asperger” ! Mais en vivaient-ils pour autant plus mal ? Moins incompris que dans notre société qui rend de plus en étroites les cases de la norme, à la recherche de l’individualisme véritable ? Et puis a-t-on vraiment légitimité à vouloir appliquer les normes d’aujourd’hui (en termes d’autisme, les normes peuvent servir comme ailleurs) à une génération qui n’en a jamais entendu parler et qui n’a peut-être pas besoin de cette reconnaissance ? Sur la question, je n’en sais pas plus que toi : il faudrait demander ! Mais le monde change si vite…

    Amicalement,
    Ywan

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