Depuis quelques semaines, je vois passer sur mes écrans une publicité des opticiens Krys dont les mots me plaisent beaucoup
Non pour leur visée commerciale (je ne porte pas de lunettes ), mais parce que ce texte a pris dans mon esprit une toute autre dimension.
Sans le vouloir, j’ai immédiatement fait le parallèle avec le syndrome d’Asperger, & chaque diffusion de ce clip me plonge dans les réflexions suivantes
Avant tout, voici le texte, suivi de la vidéo :
Avant, j’étais là.
Quand tu étais au pays des princesses ;
Quand tu affrontais l’hostilité…
J’étais là.
Quand tu découvrais la physique ;
L’anatomie…
J’étais là quand tu faisais ta crâneuse ;
Quand tu t’apprêtais à séduire le monde entier ;
Quand tu as eu ta période arts & essais.
J’étais là quand ça faisait mal.
J’étais là quand tu étais intello, de gauche, de droite, du centre, geek, hippie, dandy, rockeur, hipster, bobo…
J’étais là quand tu l’as rencontré(e).
Quand vous vous êtes embrassé(e)s, j’étais là…
Enfin, j’n’étais pas loin.
J’étais là quand elle t’a rencontré(e) ;
Et même quand tu étais persuadé(e) que je n’étais pas là…
J’étais là.
“Avant, j’étais là !” Ou comment le syndrome d’Asperger a toujours fait partie de ma vie, même lorsque je ne le savais pas (encore !)
Il est une partie de moi. Il ne me résume pas, mais il est indissociable de qui je suis ; il est un pan de mon identité & le restera toute ma vie. Mais ça, je ne le sais pas depuis si longtemps…
Car j’ai passé bien plus d’années sans me savoir aspie, que l’inverse
Pourtant, il était là. Et il m’accompagnait silencieusement dans tous mes gestes, il teintait chacune de mes pensées, chacune de mes avancées ou à l’inverse, chacune de mes difficultés.
Il aurait tout aussi bien pu rester dans l’ombre durant encore 10 ans, 20 ans, voire jusqu’à mon dernier jour si les hasards de la vie n’avaient pas mis sur mon chemin le témoignage de Daniel Tammet
Mais il était là…
J’aurais pu demeurer sans l’identifier. Sans comprendre d’où venaient ce sentiment de décalage perpétuel avec les autres, cette cécité sociale presque honteuse & ces difficultés sensorielles si prégnantes, sensations indicibles & usantes.
Aurais-je été différente ?
Sans doute oui, dans un sens.
Pas sur le fond de qui je suis aujourd’hui, car aspie je suis née & aspie je serais restée dans tous les cas de figure. Y compris sans rien en savoir… Mais sur la forme, certainement puisque ce diagnostic m’a évidemment changée en me permettant de mettre des mots sur ma condition.
Il m’a permis de me pardonner, & de décrypter sinon mes besoins (qui, en une 30aine d’années, étaient bien connus de moi-même… à défaut d’être forcément domptés ou acceptés), les raisons de mon fonctionnement atypique
“Avant, j’étais là.” Peut-être est-ce pour cela que je n’ai jamais souffert de la solitude ?
Je portais en moi suffisamment de particularités pour ne pas avoir besoin d’un groupe pour me sentir bien ou pour me sentir forte. Même dans ma bulle, je n’étais pas seule. J’étais déjà si riche intérieurement que cela m’a permis de supporter le pire, lorsque je me pensais inapte à la vie
J’ai écrit dans Asperger & fière de l’être. Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres :
Le diagnostic ne change rien, & pourtant il change tout ! Il a un rôle de révélateur & met en évidence ce qui existe déjà, en vous tendant un miroir.
Alexandra Reynaud
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Ce diagnostic permet d’ouvrir les yeux sur soi, mais il ne crée rien. On est le/la même avant & après, & pourtant tout est bouleversé par cette nouvelle carte du territoire que l’on a désormais en main
Pour ma part je vois les suites du diagnostic comme une chance, comme une opportunité d’approfondir sa conscience de soi & d’habiller plus encore son identité. À celle que l’on a depuis sa naissance, on ajoute au fil de la vie ses expériences, ses apprentissages, ses notes positives comme négatives. Tout ce qui fait que l’on est un être unique !
Chacun de nous est à la fois très semblable & très différent de lui-même à mesure qu’il vieillit. La vie nous façonne, parfois pas toujours en bien du reste… Là où certains s’emplissent d’amour, de sagesse & de joies, d’autres s’alourdissent de rancœur, d’aigreur & de jalousies
Quel que soit le sens de cette progression, elle laisse des traces & l’on est irrémédiablement chargé de ces bagages, parfois connus de nous seuls.
Le verdict eut chez moi un effet libérateur, avec à la fois un raffermissement de mes valeurs (dans l’idée que j’avais le droit d’être comme j’étais, je n’étais ni folle ni à l’ouest, mais simplement différente) & un dépassement de soi (dans le sens où en réalisant le pourquoi de ma lenteur à bouger, je me donnais également les moyens de mieux appréhender ce qui jusque là me freinait)
Je n’ai rien perdu de mon appartenance sociale, au contraire. Ce diagnostic d’autisme a agi telle une restauration identitaire intime, cette liasse de papier fut ma baguette magique.
Mais un Asperger qui s’ignore est-il moins Asperger que celui ayant reçu le sceau officiel d’une unité diagnostique ou d’un psychiatre spécialiste ?
Je ne le crois pas.
C’est simplement la conscience qui diffère : il manque bien sûr à celui qui s’ignore les clés, mais il a en lui cette réalité à portée de main. Il cohabite avec elle depuis toujours, comme un compagnon de route taiseux. Parfois avec peine, parfois comme une paire de lunettes relevée sur le front, sans même s’en rendre compte
Je pense que l’on peut passer une vie entière sans jamais réaliser que cette variation nous concernait… alors qu’elle était là
Elle était sous notre nez, depuis le premier jour de notre vie, & l’on s’est persuadé qu’elle ne nous touchait pas.
Petit signe amusant qui me fait me délecter de cette pub à chacune de ses diffusions, le slogan final : “vous allez vous aimer“. C’est ça, pour moi l’objectif des questionnements, de la quête qui anime ceux qui se voient sur le spectre : enfin, s’aimer. Se retrouver, tel(le) que l’on est, avec ses qualités & ses défauts, avec bienveillance & confiance. Mais avant tout, faire la paix avec soi-même
quelques billets complémentaires pour mieux comprendre le syndrome d’Asperger :
- Shutdown & meltdown autistiques, quand le besoin de repli sur soi se fait pressant
- Chacun fait, fait, fait … c’qu’il lui plaît, plaît, plaît !
- Comment obtenir un diagnostic de syndrome d’Asperger en France ?
- Peut-on être à la fois surdoué & touché par le syndrome d’Asperger ?
- Dis-moi de quelle couleur tu es, je te dirai si tu es aspie…
- Que ressent un aspie en situation de stress ?
- Petites & grandes obsessions d’une Aspergirl
- [TEST] Pourriez-vous être un adulte atteint du syndrome d’Asperger ?
- Le syndrome d’Asperger en questions
- VIDÉO] Syndrome d’Asperger, le diagnostic
- Rencontre avec Alexandra Reynaud, “Asperger et fière de l’être. Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres” (Radio Notre Dame, avril 2017)
- [VIDÉO] L’autisme disparaît-il en vieillissant ?
- The geek syndrome
❄ Le traditionnel billet d’idées
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✏ Et pour aller au-delà du blog, je suis l’auteure de trois ouvrages parus aux éditions Eyrolles :
– “Asperger & fière de l’être. Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres“. Un regard unique en France sur le combo syndrome d’Asperger / haut potentiel intellectuel paru en 2017, préfacé par le Dr Laurie-Anne Sapey-Triomphe & postfacé par le Pr Laurent Mottron ❤️
– “Les Tribulations d’un petit zèbre. Épisodes de vie d’une famille à haut potentiel intellectuel” paru en juillet 2016, préfacé par Arielle Adda & le Dr Gabriel Wahl
– “L’Enfant atypique. Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger… faire de sa différence une force“, paru en 2018 dans la collection très particulière (& en quadrichromie ) “Parents au top”
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Merci pour ces mots très forts et très justes.
Je suis tombé sur ton blog par hasard en trainant sur hellocoton. Ton article est très touchant. Je travaille avec beaucoup de personnes avec autisme et asperger et j’ai souvent eu ce retour. Le diagnostic permet d’affirmer son identité et de ne plus avoir honte de ses particularités pour au contraire en être fière ! Ton livre a l’air très intéressant, je vais aller voir ça de plus près.
Des bisous
Morgane
J’ai aimé vous lire et découvrir vos mots. Ils m’ont touché. Merci.
Dans 10 jours, j’aurai 61 ans.
Je me suis auto-diagnostiquée Asperger à 56 ans. Le CRA départemental m’a octroyé un diagnostic “bipolaire” au bout de 45mn d’entretiens (sans tests)… (hum, no comment !). Heureusement, M. Monpsy (mon psychiatre) m’a validé un diagnostic Asperger.
Dans 40 jours ouvrés, j’aurai fini de travailler… Je serai à la retraite après 43 ans de travail comme assistante-secrétaire. Personne ne savait m’aider, accompagner, expliquer, comprendre “mes décalages”. D’où un sous-emploi, bien en dessous de mes compétences. Mais ainsi va la vie pour les personnes nées en 1950, 1960…
L’amertume détruit tout : je n’en veux à personne. Non, à personne.
Avant, j’étais profondément dépressive et je ne savais pas pourquoi.
Aujourd’hui, je suis heureuse et fière d’avoir découvert par moi-même cette “identité” Asperger. Cela change tout.
Oui, le syndrome Asperger a toujours fait partie de ma vie, mais maintenant il a un Nom. C’est tout simplement vital. Aujourd’hui, je suis là ! Vivante !
Il a 53 ans, je suis beaucoup plus âgée, mais c’est lui qui m’a séduite, il a du y mettre toute son énergie ! mais la routine a pris le dessus … trop compliqué de vivre avec une personne qui n’a d’objectif que son travail, et bien l’accomplir à 100 pour 100 !!
Tout est compliqué pour lui quand il s’agit de vivre au quotidien avec quelqu’un ou d’avoir des amis. J’avais l’impression de ne pas compter pour lui, et il le savait qu’il me faisait souffrir.
Mais je resterais son amie, si je peux l’aider.
J’ai découvert très récemment que j’étais porteur/atteint du syndrome d’asperger. D’ailleurs je n’aime pas trop ces termes car c’est encore une comparaison à une norme statistique alors que schématiquement nous serions sur un pic différent et donc qu’il n’y a rien a comparé. Bref je m’égare.
Je tenais à vous dire que les émoticones qui parsèment vos textes me rendent la lecture un peu ardu d’autant plus qu’ils n’apportent pas grand chose à vos propos. Je continu à venir vers vous car google m’oriente vers vous et que je sais que vos récits me parlent et semblent bien documenté. C’est d’ailleurs peut être grâce à vous et un lien vers des tests médicaux que j’ai découvert que j’étais asperger. Soit vous soit une autre femme asperger je ne sais plus.
Je tenais à vous remercier pour vos récit car ils m’aideent des fois à appréhender à la fois en quoi je suis différent et si ce que je ressens ou vis est dû à l’organisation atypique de cerveau et sur les quelles je peux travailler ou bien quelques chose de parfaitement légitime en société dont je n’ai pas à m’excuser ou expliquer.
Je viens d’avoir un enfant (enfin ma compagne vient d’accoucher d’un enfant que je suppose être de moi, et qui de toute façon sera le mien de coeur quoi qu’il arrive) et je me surprends à guetter le moindre signe d’autisme asperger chez lui. La relativement forte prédominance génétique et l’observation de ma famille me conduise à penser que mon enfant à de grande chance d’être asperger.
Je m’égare encore. La question que je me pose est comment ne pas être dans le diagnostique permanent tout en restant vigilant aux signes précurseurs (en particulier sensibilité à la lumière, certains sons, certaines textures, cherche-t-il le regard ou non etc.). Je vous avoue que je ne veux pas que mon fils vive une traversé dans une univers à 4 dimensions ou plus alors que son esprit ne peut en reconnaître que 3…
Cordialement
Stephen
Merci
Un immense merci pour votre blog, votre témoignage et vos vidéos.
Je me suis nourrie ce week-end de vidéos, de documentaires, de vos mots et je m’apprête à lancer la session diagnostique.
Des années sur cette planète à ne pas comprendre ce que j’étais, à me sentir comme une fraude et là, je vois enfin de loin cette foultitude de détails qui façonnent mon être, un peu comme si on avait relié les points.
J’ai hâte et j’ai peur.
Merci encore.
Je m’identifie aux lunettes.
“Quand vous vous êtes embrassé(e)s, j’étais là…
Enfin, j’n’étais pas loin.
J’étais là quand elle t’a rencontré(e) ;
Et même quand tu étais persuadé(e) que je n’étais pas là…
J’étais là.
Depuis 50 ans, je suis là, pour vous”