Depuis la confirmation de mon syndrome d’Asperger, j’ai (bien sûr ) beaucoup réfléchi, repensé à mon enfance & souvent je me suis demandé ce qu’il se serait passé si…
Et si lorsque ma mère avait alerté le pédiatre qui me suivait alors, à l’occasion de l’un de nos retours en France, ce dernier l’avait comprise au lieu de la faire culpabiliser.
Et si ce médecin avait eu l’intelligence de ne pas tomber dans la tendance psychanalytique du début des années 80 consistant à pointer du doigt la faute des mères à tout bout de champ, pour chaque problème ou atypie d’un enfant.
Et s’il avait eu la présence d’esprit de s’avouer :
« Je n’ai rien perçu chez cette enfant que j’ai croisée à la va-vite quelques fois dans mon cabinet, mais je fais confiance à sa mère qui, elle, la connait vraiment. Je ne suis pas en mesure de l’aider, mais un spécialiste pourra lui apporter l’écoute nécessaire, puisqu’elle en exprime le besoin. »
Et s’il l’avait écoutée & prise au sérieux au lieu de balayer d’un revers de main ses interrogations & de refermer, du même coup, pour de longues années cette porte qu’elle avait eu le courage d’entrouvrir, en l’humiliant par dessus le marché ?
J’avais 4 ans.
Et si elle avait pu se faire entendre de ce pédiatre & m’amener consulter un psy comme elle le souhaitait, comment aurait été ma vie ?
Le syndrome d’Asperger n’était alors pas encore connu, ni même reconnu Seuls quelques initiés s’y intéressaient en Grande-Bretagne…
On peut donc imaginer que dans le meilleur des cas, le psy en question aurait eu la même réaction que le pédiatre (à savoir culpabiliser la vilaine maman par qui tous les problèmes arrivent). Dans le pire, cela aurait probablement marqué le début d’années d’errance diagnostic, avec le risque d’être étiquetée à tort comme de nombreux aspies, schizophrène, ayant un trouble de la personnalité schizoïde ou psychotique, mais surtout le risque d’être entraînée dans la spirale infernale de la psychiatrie infantile
Et si j’avais alors été dans les mains de psychiatres, persuadant mes parents que seule une prise en charge en institut était envisageable pour moi ?
S’ils avaient eu à mon égard aussi peu d’humanité qu’ils en ont face à des centaines, des milliers d’autres personnes autistes enfermées des années durant en hôpital psychiatrique, privées de leur dignité, maltraitées avec ce fameux & honteux packing, droguées aux antipsychotiques ?
Et si je n’avais pas eu des parents formidables, aimants & patients ? Des parents qui se fichaient (autant que faire se peut) du regard, certainement difficile & pesant parfois, des autres. De leurs remarques, de leurs critiques ouvertes quant à leur supposée mauvaise éducation ? Parce que l’entourage, les amis, ne se gênent pas dans ces cas-là pour juger, parler de ce qu’ils ne connaissent pas, en posant pourtant un regard intransigeant du haut de leur suffisance.
Et s’ils m’avaient forcé la main lorsqu’enfant je refusais obstinément d’adresser la parole à mes pairs, les trouvant insignifiants & idiots, de laisser les gens m’approcher pour me faire la bise ou me toucher, de dire bonjour aux personnes qui, pour des raisons qui n’appartenaient qu’à moi, ne m’inspiraient pas, de boire autre chose que de l’eau Volvic, au point de faire une insolation un été sur la plage du Grau du Roi, chez des cousins ?
S’ils avaient accordé de l’importance aux attaques de connaissances, voire d’amis, qui répétaient à mots à peine couverts que j’étais une sale gosse, que j’étais capricieuse, malpolie, que je menais mes parents pas le bout du nez avec mes restrictions alimentaires, ou avec ce qu’ils appelaient mes “lubies” ?
Et si mes parents avaient accepté de renoncer à me scolariser normalement, comme le leur avait gentiment conseillé une directrice d’école maternelle. Elle qui ne comprenait pas que j’évince du tourniquet de la cour tous les autres élèves pour me l’approprier, ni que, virée du tourniquet, je tourne en rond inlassablement autour d’un arbre.
Que serais-je devenue aujourd’hui ?
Finalement, la bêtise de ce pédiatre m’aura au moins permis d’échapper aux mauvais diagnostics & tout ce qui en découle
Voyons le côté positif : si ma mère était convaincue que quelque chose “clochait” chez moi, elle ne savait bien sûr pas quoi exactement, mais surtout, aucun psychologue ou psychiatre à cette époque n’aurait de toutes manières pu mettre un nom sur ce que je présentais.
Etre confrontée à la vie (la vraie vie, l’école, le monde réel ! Pas celle que l’on subit en institut psychiatrique ou sous camisole chimique…) & être à la fois protégée par mes parents, ont sans aucun doute été les éléments qui m’ont sauvée & qui m’ont donné la possibilité d’évoluer
Sans le savoir & de manière instinctive, en n’écoutant que leur bon sens ils m’ont finalement permis d’apprendre à vivre. N’est-ce pas ça le rôle de parent ?
Oh comme ce serait plus simple.
En attendant que cela soit possible, se fier à son instinct.. c’est notre plus sûre boussole.
Tiens… la Zébrette aussi tourne autour d’un arbre, seule dans la cour. En variante, elle l’enlace et ne bouge pas de la récré…
D’avoir suivi mon instinct et de ne pas avoir laissé ma détermination se faire entamer par des diagnostics à l’emporte-pièce.
Pour ma première bataille, qui a duré des années, cela a abouti, contre les opinions de tous, contre les avis médicaux et familiaux, contre les résignations générales, de donner naissance à ma fille.
La seconde a été de refuser, non par déni puisque c’est moi qui avait provoqué le rendez-vous, là encore contre l’avis de mes (très) proches qui me prenaient pour une stressée de première, mais par hallucination du peu d’humanité du professionnel en face, de refuser le diagnostic de surdité profonde de ma fille de un mois. Ce n’est pas tant le diagnostic que je refusais (je le craignias) que les examens pour le confirmer (comme une AG sur un bébé de pas un mois… juste pour “qu’il se tienne tranquille pendant l’examen”).
Faire des centaines de km (pendant les grèves et blocages des routiers) avec mon bébé, pour un diagnostic dans une clinique spécialisée… une bonne tétée a été plus efficace qu’une AG pour qu’elle “reste tranquille” pendant l’examen! non mais ho!
Je suis aussi d’avis d’écouter son instinct, sa “petite voix intérieure”… même si comme tu le dis ts justement, tt serait + simple si on pouvait voir à l’avance ce que donneront nos choix
et si je n’avais pas été enfermée en psychatrie durant de longs mois, avec comme seul prise en charge des médocs forts à endormir un boeuf, et comme seule explication à mes souçis un froid gacial? ahlala oui..et si enfant on m’avait dit que j’etais douée, au lieu de me laisser croire seule dans mon silence que j’étais nulle, et bonne à rien? et si à l’adolescence, on m’avait rassuré sur mon potentiel et ma nature par un bilan, au lieux de me dire sans arret que j’étais un cas desespéré, une pauvre fille foldingue?ah vi..c’est sur.
merci! ;-)
Quant à vous, c’est magnifique de se dire que vous pouvez repartir à 0. Traîner les boulets du passé, oui, mais construire l’avenir comme vous le voulez, avec toutes les bonnes cartes étalées devant vous. Avenir que je vous souhaite heureux et riche.
Je commente ici un article ancien mais qui me touche beaucoup.
Je soupçonne fortement le syndrome d’asperger chez mon frère né au début des années 70. Lorsqu’il avait 4-5 ans, une psychologue scolaire pleine de bonne volonté s’était inquiétée de son cas. Ma mère, qui était dans le déni (elle l’est toujours), a refusé de l’écouter et a décidé, pour des raisons d’ordre de pratique (nous devions nous expatrier) d’inscrire son fils au CP avec un an d’avance. Résultat: deux mois plus tard, mon frère savait lire et survolait tous les programmes scolaires. Donc finalement, quand on pense aux connaissances indigentes des psy de cette époque en matière d’autisme et au tort qu’ils ont causé à tant d’enfants, je me dis que le déni de ma mère était finalement une bénédiction. Régulièrement, je me dis “et si…”. Je m’accroche à ce souvenir quand je pense à mon propre petit. A deux ans, il ne bénéficie d’aucun diagnostic mais la neuropédiatre du CAMSP a suggéré de différer d’au moins un an (jusqu’à la saint glin-glin?) son entrée à l’école maternelle. Alors que c’est son rêve, à lui, d’aller en classe. J’ai abandonné le CAMPS mais aujourd’hui, c’est la psychologue de la halte-garderie qui veut prendre rendez-vous avec moi…
bonne journée