Je crois que c’est la question qui m’a le plus souvent été posée depuis que j’ai crée ce blog : que m’a apporté ce diagnostic officiel du SA ? Qu’en ai-je retiré, finalement ?
A vrai dire j’ai eu beaucoup de mal à répondre à cela, bien que je perçoive cette interrogation comme parfaitement légitime !
Je pense que les adultes qui se sentent aspies se demandent tous, à un moment donné (avant de sauter le pas & d’aller demander un avis auprès d’un CRA ou d’un psychiatre privé) ce que cette démarche leur apporterait au fond.
Peser le pour & le contre, hésiter, tourner en rond, vouloir à la fois que tout aille vite & avoir tout aussi peur d’être au pied du mur, douter avant un bilan est extrêmement classique. De même que pour un diagnostic visant à confirmer (ou infirmer) un haut potentiel intellectuel, les questions & hésitations sont particulièrement nombreuses chez un adulte qui redoute d’être ridicule, ou encore de se tromper
Un diagnostic pour quoi faire ? Moi qui ai déjà une vie, un métier, une famille. Et puis, si je faisais fausse route…
S’exposer est une prise de risque, pour toute personne. Mais pour un aspie, cela a une résonance bien plus terrible encore. Autoriser plusieurs personnes à pénétrer dans l’intimité de sa bulle, parvenir à se montrer comme on est, au naturel, accepter d’abandonner l’armure que l’on a mis de si longues années à se construire & les codes que l’on a chèrement appris n’est pas une mince affaire
Ainsi, savoir ce que d’autres, passés par là avant vous, ont pu ressentir, lister les points positifs donne du courage. Et il en faut une bonne dose, pour aller au bout d’une recherche de diagnostic pour un TSA !!!
Toujours est-il que quand cette question est revenue, souvent, dans les messages qui m’ont été envoyés depuis quelques mois, j’ai eu besoin de temps pour analyser ce que je ressentais. Je n’avais jamais réfléchi à la question en ces termes.
J’ai pris les choses comme elles venaient, sans doute parce que l’attente fut longue & que j’ai été forcée (par cette situation qui s’étirait sur des mois, puis des années) à prendre pas mal de distance quant à mes attentes. Ainsi la conclusion que donnerait ce bilan au CRA me semblait si lointaine que je n’ai pas réellement réalisé dans l’immédiat.
J’ai donc voulu faire l’effort de me poser intérieurement & de me replonger dans les émotions vécues à cette époque.
Le diagnostic n’a rien changé sur un plan purement pratique ou organisationnel. Ma vie n’a pas variée : je suis toujours la même avant / après :-)
Mais, il y a un grand mais, une chose s’impose à moi comme une évidence : ce diagnostic, cette confirmation de la certitude que j’avais au plus profond de moi depuis 2009, suite à la lecture de « Je suis né un jour bleu » de Daniel Tammet, m’a permis de me pardonner beaucoup de choses
Quand je dis pardonner, c’est à comprendre dans le sens d’accorder de l’indulgence, sincère, véritable & réparatrice.
Etre enfin indulgente face à ces dizaines de choses que je me suis reprochée tout au long de ma vie ! M’en voulant, parfois de toutes mes forces, d’être incapable de faire simple, ou d’être trop marginale, trop compliquée, pas assez sociable, trop sensible, pas assez diplomate, trop obsessionnelle, pas assez souple, trop extrême dans mes prises de position, pas assez méfiante, trop naïve, pas assez amicale, trop fuyante, pas assez dynamique, trop brutale dans mes échanges verbaux. Trop ceci, pas assez cela… en tous cas jamais à la bonne place au bon moment
Obtenir ce diagnostic m’a autorisée à cesser d’être ma meilleure ennemie, en un mot
Sans que je ne m’en rende vraiment compte, je me suis détachée de tout ce qui me culpabilisait beaucoup. J’ai bel & bien intégré que ces difficultés & bizarreries (sociales, sensorielles, alimentaires, tactiles, etc.) n’étaient pas ma faute !!!
Le lire, le formuler, l’expliquer à d’autres est une chose ; le ressentir dans sa tête & dans sa chair, parvenir à lâcher prise en tenant compte de cette typicité en est une autre, bien plus ardue.
Nous vivons dans une société où tout nous est présenté sous forme d’images idéales que l’on nous soumet en permanence : l’amour devrait correspondre à un modèle extrêmement précis (avec tel rythme, tels codes “romantiques“, telles “preuves” d’amour, telles étapes formelles), la famille à un autre schéma, le bonheur à une série de critères imposés, le corps à une apparence très stricte distillée par les publicités, l’industrie du cinéma & les médias.
Un ado doit être comme ci, apprécier ça, un jeune adulte doit avoir cette allure là, à tel âge on attend ceci de vous, à tel autre il faut consommer cela & ainsi de suite.
Tous ces modèles sont extrêmement codés, or moi, je n’ai jamais eu la clé de ces codes-là.
J’ai passé mon temps à étudier & apprendre, de manière intellectualisée, des codes en tous genres, mais jamais ceux-là qui ne m’intéressaient pas (& d’ailleurs ne m’intéressent toujours pas ).
Pourtant même sans les respecter, je culpabilisais beaucoup, pour tout.
Ma fatigabilité en étant au contact des autres ou de l’extérieur par exemple m’a si souvent culpabilisée que je ne parviens plus à dissocier dans mes souvenirs cette fatigue, ce besoin absolu de me retrouver, d’être seule & au calme, cette nécessité de décompenser plusieurs heures lorsqu’il m’a fallu être à l’extérieure de chez moi une partie de la journée, de ce sentiment de honte qui pesait sur moi.
Ne pas correspondre aux modèles imposés provoque une sensation de honte qui, quand elle s’étire dans le temps, devient ancrée au plus profond de nous & nous ronge. Il faut alors une onde de choc pour réussir à s’en détacher
Voilà l’action qu’a eu mon diagnostic : j’ai acquis l’indulgence & la bienveillance que je n’avais pas envers moi-même. Je me suis libérée de cette culpabilité & ces reproches incessants que je me faisais en mettant des mots sur qui j’étais.
quelques billets complémentaires du blog, pour mieux comprendre ce qu’est – ou n’est pas – le syndrome d’Asperger :
• Shutdown & meltdown autistiques, quand le besoin de repli sur soi se fait pressant
• Avant, j’étais là ! Le syndrome d’Asperger faisait déjà partie de moi
• Chacun fait, fait, fait … c’qu’il lui plaît, plaît, plaît !
• Peut-on être à la fois surdoué & touché par le syndrome d’Asperger ?
• Dis-moi de quelle couleur tu es, je te dirai si tu es aspie…
• Petites & grandes obsessions d’une Aspergirl
• Comment obtenir un diagnostic de syndrome d’Asperger en France ?
Ca n’a pas dû être facile pour vous de replonger dans tout ça, mais vous n’imaginer pas à quel point votre réflexion est importante et éclairante pour moi (et pas que pour moi, j’imagine).
Juste merci.
Francesca
On me pose aussi bcp cette question, et j’avoue que je n’arrive pas à comprendre de mon coté comment on peut se la poser..parce que vu de ma place, c’était ca, dès quej’ai compris pour le SA, aller au diag le plus vite possible, savoir. pas de possibilité de “douter..”plus lontemps (comme pour le hpi, pareil.)
comment sait on si on a ce syndrome? merci
Évidemment, ça a un côté “agglutinant” et on a peut-être tendance à y rattacher plus que de raison. Et quand bien même ce serait le cas, l’important n’est-il pas le sens que chacun donne à son propre diagnostic ou sa propre recherche?
Je score toujours nettement du côté asperger dans les tests en ligne et les témoignages font toujours écho à ce que je vis (hypersensibilité sensorielle, difficulté à comprendre les normes sociales qui semblent évidentes pour les autres…) et ce qui me serait utile serait de trouver des pistes pour mieux “compenser” cette différence qui peut être très fatiguante ou excluante (au travail on m’a souvent prise pour une idiote juste parce que s’il y a du brouhaha j’ai beaucoup de mal à suivre les conversations, j’entends le bruit de fond beaucoup plus fort que la norme visiblement).
Avez-vous une idée de l’endroit, sur internet ou dans la vraie vie, où je pourrais trouver ce genre d’information? Avez-vous pu en trouver pour vous même?
De mon côté la méditation me permet vraiment de récupérer mentalement, en mettant au repos l’esprit et le corps; j’utilise des boules quies et l’autohypnose pour dormir, un piano dont on peut régler le son – les piano normaux me font trop mal aux oreilles , et travaillant en open space je fais des pauses fréquentes quand mes collègues parlent, ou alors je vais travailler ailleurs.
Et quand on me parle à la cantine, je me débrouille pour avoir souvent la bouche pleine
Bonne continuation et merci pour ce blog!
Je suis également incapable de me concentrer s’il y a du bruit.
Pour moi, les bouchons d’oreilles sont un outil de travail très précieux que j’utilise quotidiennement. J’utilise des bouchons 32 db, c’est le maximum qui se vent sur le marché (du moins au Québec). Il existe également des coquilles pour les oreilles. Elles bloquent également 32 db. Personnellement, je préfère les bouchons, ils sont plus discrets. Les bouchons permettent également de pouvoir en mettre dans une seule oreille lorsqu’on est au téléphone.