C’est d’actualité ces jours-ci puisque les journaux reparlent du cas Adam Lanza, l’auteur de la tuerie de Newtown aux Etats-Unis
Le geste fou & incompréhensible de ce jeune homme, présenté comme aspie par les médias (l’est-il seulement ???), jette fortement l’opprobre sur le syndrome d’Asperger dans l’inconscient collectif.
On mélange tout : tueur en série, schizophrène, aspie, asocial, psychotique, névrosé… alors qu’il est déjà si difficile d’avoir des articles avec une présentation juste du seul SA. Ce qui donne nombre d’articles d’une bêtise abyssale, reprenant tour à tour les mêmes erreurs grossières, répétant les mêmes amalgames encore & encore
Il avait déjà été question de la confusion autour du manque d’empathie légendaire des aspies (qui existe essentiellement dans la vision caricaturale que se fait le grand public du syndrome d’Asperger) en octobre dernier, sur France Inter.
En effet dans l’émission Service Public du 16 octobre 2013, le psychiatre Serge Hefez, responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l’enfant & de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, était revenu sur les propos tenus par un collègue le 10 octobre 2013, lors d’une émission consacrée aux serial killers.
Ses déclarations avaient suscité bien des réactions chez les auditeurs connaisseurs des troubles du spectre autistique &, immanquablement, crée une polémique.
J’ai trouvé intéressant de reprendre ce que le Dr Hefez avait déclaré pour briser ces idées fausses. Voici sa mise au point, que j’avais beaucoup appréciée :
Serge Hefez : Comme souvent à la radio, on chercher à aller un peu vite & ça risque de créer des amalgames. De fait mon confrère est passé un peu rapidement de l’absence d’empathie des tueurs de masse à la schizophrénie, puis au syndrome d’Asperger, alors que ces phénomènes n’ont rien à voir les uns avec les autres.
- la schizophrénie est une maladie mentale, une psychose qui associe le délire avec la perte de contact avec la réalité
- le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme, une atteinte neurologique classée dans les Troubles Envahissants du Développement & qui porte sur la façon dont le cerveau traite les informations
En résumé, les enfants Asperger ne comprennent pas l’expression des émotions chez les autres, ils maîtrisent très bien le langage, ils ont une intelligence normale, voire supérieure, mais ils ont du mal à communiquer car ils ne comprennent pas l’implicite, les images, les métaphores. Vous savez tout ce “comme si” qui est à la base du jeu relationnel avec les autres. Ils prennent tout à la lettre & ne saisissent pas les règles du jeu social.
Par exemple ils pourraient parler pendant des heures d’un sujet qui les passionne, comme les horaires des trains, sans voir que les autres ne s’y intéressent pas. Ils sont donc plutôt exposés aux moqueries & au rejet des autres enfants.
Guillaume Erner, sociologue & présentateur de l’émission Service Public intervient : « Donc ce serait plutôt eux, Serge Hefez, qui seraient exposés à la violence d’autrui ? »
Serge Hefez : Tout à fait. Et ils ont bien du mal à y répondre.
Ils sont en général gentils & naïfs, incapables de mentir, très soucieux des règles ; & s’ils peuvent comme tout le monde faire des crises de colère, ils vont plutôt retourner la violence contre eux & se faire du mal.En fait cet amalgame entre Asperger & violence est né au moment de la tuerie de Newtown il y a un an. Une source policière avait déclaré que le jeune Adam Lanza, qui avait massacré froidement 26 personnes, dont 20 enfants, souffrait de ce syndrome. Je ne sais si c’est le cas, mais il serait alors l’exception qui confirme la règle : la violence envers les autres n’est absolument pas une caractéristique de ce handicap.
Un peu comme si, tout proportion gardée, on pensait que tous les Asperger sont des pianistes de génie sous prétexte que Glenn Gould souffrait vraisemblablement de ce syndrome.
Guillaume Erner : « Mais alors pourquoi Serge dit-on que les tueurs en série sont incapables de s’identifier aux autres, qu’ils sont totalement dépourvus d’empathie ? »
Serge Hefez : Et bien ça n’est pas tout à fait la même chose car il existe 2 formes d’empathie.
- la 1ère, l’empathie cognitive, consiste à reconnaître les émotions que ressent une autre personne selon les variations du ton de sa voix, selon les expressions de son visage (c’est un peu les expériences que l’on a eu ce matin). Les autistes sont incapables de cette empathie, mais les psychopathes, les tueurs en série, eux savent déchiffrer les émotions d’autrui & même s’en servir, en tirer profit. Ils sont dans un mépris total des autres parce qu’ils pensent être rejetés, ils ruminent un sentiment de rancœur qui les rend insensibles à la douleur d’autrui
- l’autre forme d’empathie est une empathie émotionnelle, c’est la capacité à partager les émotions, & c’est cela dont les tueurs en masse sont incapables. Tandis que lorsqu’un autiste perçoit l’émotion d’une autre personne, son ressenti est plein, entier, direct. Il partage les émotions comme les autres enfants & souvent avec beaucoup plus d’intensité
A écouter à partir de 45’45 :
La question de l’empathie – ou plus exactement, le postulat de son absence totale – revient vraiment très souvent par e-mail ou via la messagerie de la page Facebook du blog
Je crois que beaucoup de gens imaginent de façon relativement simpliste (parce que le SA est toujours peu connu en France) : « Asperger = zéro empathie », un peu à la manière d’un robot sans émotion !?
Or, c’est non seulement bien plus compliqué & plus subtil dans l’absolu, pour tous les Asperger ! … mais quand en plus l’aspie en question présente un haut QI (≥ 130), voire un très haut QI (≥ 145), les traits caractéristiques du haut potentiel intellectuel se mélangent & viennent encore complexifier le tableau
Je cumule THQI & syndrome d’Asperger. J’ai un score TERRIBLEMENT faible aux tests de Quotient Empathique. Mais croyez-moi, je ressens extrêmement fort la souffrance chez les autres personnes comme chez les animaux. Seulement, je n’aurai pas vraiment les moyens de manifester ou répondre à ce ressenti (qui peut pourtant aller jusqu’à me perturber tant il est fort & envahissant) de la manière « attendue », c’est à dire, de la façon espérée par les gens classiquement
C’est pourquoi les quelques explications de Serge Hefez sur les 2 formes d’empathie sont vraiment une bonne chose à mon sens. Il faudrait que ces nuances soient entendues régulièrement pour avoir une chance d’être intégrées une bonne fois pour toute lorsqu’il est question du SA dans la presse, les médias, les films (à noter que le merveilleux film « My name is Khan » avait déjà une vision extrêmement juste de cette empathie bien présente chez les aspies).
Alors seulement, le syndrome d’Asperger sera peut-être un peu mieux compris, dans toute sa complexité
quelques billets complémentaires pour mieux comprendre le syndrome d’Asperger :
- Avant, j’étais là ! Le syndrome d’Asperger faisait déjà partie de moi
- Shutdown & meltdown autistiques, quand le besoin de repli sur soi se fait pressant
- Chacun fait, fait, fait … c’qu’il lui plaît, plaît, plaît !
- Comment obtenir un diagnostic de syndrome d’Asperger en France ?
- Rencontre avec Alexandra Reynaud, “Asperger et fière de l’être. Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres” (Radio Notre Dame, avril 2017)
- Peut-on être à la fois surdoué & touché par le syndrome d’Asperger ?
- Dis-moi de quelle couleur tu es, je te dirai si tu es aspie…
- Petites & grandes obsessions d’une Aspergirl
- [TEST] Pourriez-vous être un adulte atteint du syndrome d’Asperger ?
✏ Et pour aller au-delà du blog, je suis l’auteure de trois ouvrages parus aux éditions Eyrolles ⤵
– “Asperger & fière de l’être. Voyage au cœur d’un autisme pas comme les autres“. Il s’agit en France du premier témoignage écrit par une femme Asperger sans l’appui d’un coauteur, & publié par une maison d’édition. Un regard unique sur le combo syndrome d’Asperger / haut potentiel intellectuel, préfacé par le Dr Laurie-Anne Sapey-Triomphe & postfacé par le Pr Laurent Mottron ❤
– “Les Tribulations d’un petit zèbre. Épisodes de vie d’une famille à haut potentiel intellectuel” paru en juillet 2016, préfacé par Arielle Adda & Gabriel Wahl 😃
– “L’Enfant atypique. Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger… faire de sa différence une force“, paru en 2018 dans la collection très particulière (& en quadrichromie ) “Parents au top” 😊
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Ouf, maintenant, je comprends : je ne sais pas décoder les signaux des “normaux” quand ils attendent de moi que je compatisse.
Je ne suis pas sûre que cette explication m’aidera à mieux les comprendre, mais, au moins, maintenant, je peux comprendre ce qui se passe en moi, c’est déjà ça !
En revanche je ressens la souffrance et l’état émotionnel animal comme une sensation qui s’insinue en moi.
Mais on apprends à faire “avec”.
Je suis un poète doué, parait-il. C’est en tout cas mon métier. La métaphore c’est donc un peu mon fond de commerce. Et j’y excelle. M’empêche pas d’être Asperger. Ceci dit la poésie comme l’autisme ne résument pas la personne que je suis.
De même je ne vois pas mon autisme comme un handicap, bien au contraire. J’ai simplement la malchance de vivre dans une société à laquelle je ne suis pas adapté. Et ça m’attriste plus qu’autre chose. Pas pour moi mais pour… mouarf, le reste du monde, en fait. Parce que moi…
Aujourd’hui j’ai volé dans l’azur au delà
De la noire fumée des cheminées d’usines
Et me suis élevé au dessus des tracas
Embûchant les travées où la norme s’échine.
Aujourd’hui j’ai piqué en plein dans un nuage
A la pure blancheur de cette eau délivrée
Des humaines lubies s’imposant en outrage
Au commun du vivant, soumis et pressuré.
Aujourd’hui j’ai joué à poursuivre le vent,
L’espace d’un instant je me suis confondu
A la force de l’air, senti le battement
Du souffle de la terre où règne l’inconnu.
Aujourd’hui j’ai plongé tête la première,
Vers un asphalte noir, cette hideuse balafre
Scarifiant le vert, souillant les rivières
Où se noient les poissons victimes de nos affres.
Aujourd’hui j’ai volé loin de tous les soupirs
Échappant aux pantins ne sachant s’élever
Là où le cœur est pur et où l’âme chavire,
Gorgée de poésie, sublimée de beauté.
Bravo !
Je découvre ce site, qui m’intéresse beaucoup. Je ne sais quoi penser, comment déméler le faux du vrai. Je ne sais si moi-même je suis Asperger. Qu’est-ce qui permet concrètement de le savoir?
Pourriez-vous me donner des pistes de recherches?
Je vous remercie
Merci BEAUCOUP pour cet extrait qui ENFIN met les choses au clair pour tous ceux qui, comme moi, pensent au SA tout en ayant l’impression de ressentir trop fort les autres mais se heurtent au cliché “SA = pas d’empathie”.
Je dirais que chez les NT il y a l’émotion qu”ils ressentent (émotionnelle) et celle qu’ils donnent à voir (cognitive). Parfois ils masquent leur vraie émotion ressentie, les deux deviennent contradictoires, par exemple (vécu) l’inconnu qui vient parler “gentiment” mais qui en fait dégage une intense envie lubrique. Moi, dans ce cas, je ne perçois que l’émotion vraie et ne peux que partir en courant…
Je suis maman d’un enfant de bientôt 11 ans… Reconnu Asperger il y a un peu plus d’un an. J’ai toujours été très étonnée de la sensibilité extrême dont il peut fairepreuve ( en regardant un dessin animé, il peut pleurer pour le personnage….) et le voir désemparé lorsque je salue quelqu’un de la main pour le remercier, il ne saisit pas le pourquoi.
Cet difficulté m’a toujours étonnée car il se trouve être très sensible… Cette différence entre empathie cognitive et émotionnelle m’aide à mieux comprendre. De plus il est vrai que l’on dit toujours: autisme=incapacité d’empathie or j’en avais déjà perçu chez mon fils…
Tant d’incompréhension et de désespoir face à cette situation sur laquelle je ne pouvais mettre un mot. De la culpabilité aussi, de la remise en question. Pourtant, mon coeur est très sensible au fond et je mettais mes difficultés sur le compte d’une maladresse de communication. Sauf que le cumul des diagnostiques et les quelques recherches qui m’ont menées à votre article viennent de m’apporter du réconfort. J’ai une réponse. Merci merci.
Désormais je comprends pourquoi…
C’est mon petit fils : 19 ans, plus un petit enfant, pas encore un adulte.
il ne s’est jamais intégré à un groupe, n’a jamais eu d’amis. Je ne sais s’il est concerné par Asperger; il peut donner l’impression d’être tout à fait cool, dans la norme, avec un peu (ou beaucoup) d’excitation; mais également malheureux, ça fait mal.
Je crains que parfois, par lassitude, par impuissance, on le laisse, y compris sa mère (ma fille) et moi ; il est fatigant. On ne peut s’empêcher de l’aimer ;
Je crois qu’il le sait bien, ça ne l’encombre pas, il y compte. Sa vie à venir me soucie, son présent me peine pour lui – solitude inouïe – et pour sa mère.
j’aimerais avoir un avis, un conseil. Merci
http://www.egalited.org/ObtenirDiagnostic.html
Le site est malheureusement très axé sur les enfants autistes puisqu’il vise à la promotion des diagnostics précoces, et il n’y a guère pas grand chose sur Asperger, encore moins chez les adultes.
/Dans la citation de Serge Hefez vous avez écrit “on chercher” à la place de “on cherche”/
Comment faites vous pour supporter la violence extérieure?
C’est terriblement insupportable, je me sent tellement perdu et profondément triste lorsque je suis en conflit avec quelqu’un qui ne comprend pas mes intentions…
La violence extérieure, à mes yeux, bien souvent c’est le fonctionnement de la société entière.
Il me faudrait des heures pour décrire les souffrances générées par le manque de compréhension de l’entourage face à ce qui est perçu comme un manque d’empathie et de l’agressivité. Pour quelqu’un de neurothypique comme moi, j’ai souvent noté une contradiction flagrante entre une apparente indifférence face à la sensibilité des gens et une réaction extrêmement émotionnelle vis à vis de la souffrance d’autrui.
Je crois que le meilleur service que les personnes “normales” peuvent rendre envers les Aspies serait de les écouter. Ils ont énormément de choses à nous dire.
Merci.
J’ai passé depuis mon adolescence 20 ans à étudier les autres et comprendre pourquoi j’étais différente, fascinée par ces gens dont je ne comprenais pas les réactions, notamment la violence ! Ma curiosité obsessionnelle pour les autres m’a poussé dans de nombreux pièges dont certains très traumatisants, mais c’est au prix de ces confrontations que je suis devenue une experte en “caméléon-isation” :-D puis j’ai passé 5 ans à chercher qui j’étais ce qui clochait chez moi, pourquoi j’avais attiré les foudres de l’humiliation, de la souffrance, de la honte, et bien d’autres émotions négatives mais aussi positives bien que plus rares ! Puis j’ai fini par tomber d’un premier temps sur la douance…puis plus récemment le syndrome asperger. ENFIN tout devient limpide ! Aujourd’hui, j’ai tellement conscience de cette quantité phénoménale d’efforts que j’ai fourni pour analyser, décortiquer, afiner, sélectionner,ect. chaque personne que j’ai rencontré pour bâtir une quasi parfaite technique de camouflage et la vie dont j’ai besoin pour être heureuse enfin… cette extrême lucidité sur moi-même me fatigue, cette obsession à toujours chercher, vouloir comprendre l’être humain et moi-même m’a fait étudier une quantité énorme de savoirs sur les sciences humaines mais j’ai le sentiment que ce périple touche à sa fin et que bientôt je serai LIBRE.
J’ai 17 ans et je suspecte d’avoir Asperger. J’avais auparavant “accusé” mon Quotient Intellectuel (151 Werschell) comme la cause de mon rejet de la société. Depuis quelques mois, j’ai découvert les symptômes du syndrome d’asperger et ils me correspondent en tout point, sauf… L’empathie. Je suis extrêmement sensible à la douleur morale des autres. Je souffre énormément de leur souffrance… Merci d’avoir bien fait la part des choses entre les deux types d’empathie. J’ai de la chance car, actuellement, j’ai un ami qui as les mêmes capacités que moi (qui suspecte lui même d’être Aspie) et avec qui je m’entend bien.
Je vais bientôt rencontrer un spécialiste et être fixé.
Bonne chance !
Mais la réaction d’un autiste est d’éviter ce que l’on déteste et pas de l’attaquer.
Nous avons un interdit moral très fort en ce qui concerne la violence.
Néanmoins, être autiste n’empêchera pas de devenir un meurtrier dans certaines circonstances comme tout être humain peut le devenir.
Mon fils de 3.5 ans est en cours de diagnostic. Il fait montre d’une grande intelligence et d’une grande capacité de mémorisation, mais a du mal à gérer ses émotions et ne va pas vers les autres enfants à l’école. Il fait aussi de la résistance aux règles établies et ne fait pas confiance aux personnes inconnues. Il a du mal à se lier aux personnes mais quand c’est fait, c’est d’une intensité considérable (tout comme moi d’ailleurs). Il a également des petites manies comme frôler les murs, passer de petits objets près de sa tête en les regardant ou être attiré par tout ce qui tourne (je vous dis pas sa passion pour les hands spinners!).
On commence à nous parler d’asperger et du manque d’empathie. Jusqu’à présent je répondais que mon fils était capable d’empathie et que du coup, pour moi ça ne collait pas.
Je le vois tous les jours, il réagit quand on pleure ou s’inquiète quand on se cogne, ou simplement je vois son regard quand il voit que je suis fière de lui. Du coup, pour moi, ce n’était pas possible. Avec cette mise au point, tout me semble plus net.
A l’identique d’un intervenant plus haut qui dit qu’il sait faire “comme si”, mon fils est capable de jouer à la cuisine avec ses jouets et à faire semblant de manger. Il nous sert le café!
Merci merci de nous montrer que les personnes identifiées comme “Asperger” ne sont pas enfermées dans une typologie. Ca me permet de garder espoir en l’avenir pour mon fils et de pouvoir lui en projeter un.
Il parait qu’il y aurait une piste génétique… Je ne sais pas ce que je suis moi-même mais il est vrai que je suis hypersensible. J’ai du mal à aller un enterrement sans pleurer tout du long,même si je ne connais pas personnellement la personne morte, rien que parce que la peine de ceux qui restent me remplis et me submerge.
Concernant l’empathie il faut bien se dire que l’empathie d’un asperger est avant tout intuitive. Un autiste ne comprend pas les émotions des autres mais il les ressent. Il sent la colère, la tristesse, la joie… sans pouvoir exprimer ce que c’est.
Il peux éprouver de la souffrance ou de la joie sans que son visage ne montre le moindre signe d’émotions. Il sera donc souvent vu comme indifférent ou pire sociopathe.
Dans la réalité, un autiste est souvent submergé par les émotions et ne peux y faire face que par le repli sur soi ou l’agressivité qui est un moyen de défense.
Ainsi, être asperger c’est souvent être victime des apparences.
Bref, Merci beaucoup, je comprends petit à petit les différences, les subtilités….par contre je ne pose aucun diagnostic….peut-être que je finirais par chercher un interlocuteur (psychiatre probablement) qui posera un diagnostic me permettant de mieux me comprendre.
Désolée, mais j’ai ressenti le besoin de préciser
Je me sens très interpellé par l’actualité ou il est question d’êtres humains qui finissent par commettre des actes vraiment horribles ou plusieurs personnes sont tuées ou blessées gravement. Nous apprenons à quelques occasions que ces personnes vivent avec le syndrome d’Asperger, de là mon intervention.
Je suis un Asperger de 64 ans et j’ai passé énormément de temps à essayer de comprendre ce qui se passait avec moi, pourquoi j’étais si différent de la plupart du monde qui m’entouraient, pourquoi je ne ressentais que très difficilement ce que gens voulaient me dire, toujours ce sentiment d’être constamment inadéquat peu importe la personne avec qui j’étais, cette impression de ne pas comprendre comment me comporter dans la société ou comment elle fonctionne et la présence régulière de conflits causés par ma difficulté à m’exprimer avec le même langage que les personnes neurotypiques (dites normales).
Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours interrogée sur ma vie, mais c’est dans la trentaine que j’ai commencé un cheminement très sérieux dans l’espoir de devenir comme tout le monde, beaucoup de lecture, une psychologue pendant dix ans, même faire semblant pour pouvoir m’intégrer à des groupes etc., mais toujours avec le sentiment que je ne pourrai jamais y arriver, la différence étant trop considérable. Mais très heureusement à 56 ans, j’ai enfin su que je vivais avec le syndrome d’Asperger.
Les Asperger vivent dans une normalité différente de celle offerte par la société qui elle est constituée en très grande partie de gens dit neurotypiques, toute la vie sociale est échafaudée avec la même essence et cela est tout à fait normal, la grande majorité de la population est neurotypique.
Pour un Asperger, non diagnostiqué ou celui qui le sait mais n’a pas encore développé d’outils, exister dans la société qui lui est proposée, c’est vivre avec un sentiment d’oppression persistant qui s’ajuste, en intensité, à la situation qu’il est en train de vivre dans ses rapports avec sa communauté (famille, travail, ami) cela provoque beaucoup de souffrance intérieure. Un Asperger préfèrera, si cela est possible, se retirer d’un rapprochement social que de vivre une expérience pénible et qui peut facilement devenir insupportable.
Un Aspie a les mêmes besoins que tous les êtres humains qui peuplent la terre, et il est intégralement fait de la même matière que tous les neurotypiques, sauf un élément indispensable pour la vie en société l’empathie cognitive (nom donné par un psychiatre lors d’une émission éducative). Cela n’a rien à voir avec l’empathie émotionnelle qui elle est complète et même trop exacerbée chez les Aspie, c’est cette dernière qui fait de nous tous, des êtres humains avec tout son éventail d’émotions. De ne pas avoir accès de façon naturelle à l’empathie cognitive déforme tous les rapports que nous entretenons avec les autres, cela engendre une contrainte qui elle réduit grandement notre capacité de ressentir nos émotions en temps réel. L’absence d’empathie cognitive c’est comme regarder un film sans le son ou sans l’image, c’est deux personnes qui veulent communiquer mais n’ont pas la même langue, c’est deux ordinateurs avec le même logiciel mais un ne possède pas l’interface nécessaire pour communiquer avec l’autre. Mon fils, qui est Asperger aussi, m’a dit un jour, que c’était comme s’il se trouvait dans une auto avec les fenêtres fermées et qu’il voulait entrer en contact avec les gens qui sont a l’extérieur de l’auto, mais qu’il était incapable d’ouvrir cette fenêtre, cela ne fonctionnait jamais malgré tous ses efforts.
Un Aspie, a beaucoup plus de chance d’imploser que d’exploser et dans des souffrances insurmontables, il va se faire du mal à lui avant de faire mal aux autres et même commettre l’irréparable, se suicider. La société, sans le vouloir, retourne régulièrement une image négative au gens différents et cela est fait comme ça pour le moment. Les Aspie, et surtout ceux mal outillés, sont des gens différents, généralement maladroits dans leurs contacts avec les autres, réservés, avec une grande difficulté à s’intégrer à des groupes.
Pour un jeune Aspie, la famille immédiate est souvent le seul endroit ou il peut se ressourcer, se sentir plus humain, moins bizarre, recevoir de la chaleur, qui est une nécessité irréfutable pour tous les humains. C’est dans sa famille qu’un Aspie peut prendre le temps de ce comprendre, de mettre de l’ordre dans sa tête, dans sa journée, de se sentir protéger, et même d’être bien pour un certain temps. Mais tous les gens ne viennent pas au monde dans une famille idéale, saine, équilibrée, ou ils peuvent recevoir de l’appuie, du réconfort, ou ils ont leur place. Aspie ou pas, un humain qui vit dans un environnement de violence, de haine, ou il est continuellement agressé, méprisé, négligé, ou la chaleur humaine est défaillante ne peut que se détériorer et finir par développer de graves problèmes mentaux qui un jour pourraient finir par exploser et être projeter vers l’extérieur et les Aspie, de par leur hypersensibilité, de leur trop grande réceptivité de leur environnement, ne sont surtout pas exempts de cette possibilité. Un enfer peut facilement engendrer des monstres et cela est valable pour tous.
Vivre avec le syndrome d’Asperger n’est pas une pathologie ni une maladie mentale et cela est corroboré par la grande majorité des spécialistes dans ce domaine, c’est une façon différente de ressentir la vie, c’est une normalité dissemblable que celle véhiculée par la société, mais c’est notre normalité. Nous sommes des personnes qui doivent réfléchir constamment parce-que c’est le seul moyen que l’on a pour préserver notre équilibre intérieur surtout en relation avec les autres, nous sommes très lucides de notre différence mais très souvent mal équipés pour y faire face. Nous voudrions vraiment être comme tout le monde mais nous le serons jamais, du moins pas de façon naturelle, mais il y a beaucoup d’espoir pour tous les Aspie qui voudrons avoir une vie sociale qui peu être très satisfaisante et harmonieuse. Le chemin est long mais accessible pour celui qui le veut, je suis, comme plusieurs personnes la preuve que cela est possible et, comme le dit un psychiatre, nous devenons des Asperger vraiment insoupçonnables pour la société.
Merci
Je vous remercie de votre témoignage.
Après des années de difficultés sociales, à 56 ans une évaluation me permet de mieux me comprendre et de m’accepter dans cette différence.
Outre vos explications ,il y en a une que je trouve TRES pertinente sur l’empathie.
Vous portez une justesse éclairante sur une difficulté en la dénommant:Empathie cognitive…Je trouve magnifique et soulageant cette analyse…et c’est pour cela que je me force à écrire ce message.
Je vous remercie.
Joel
Le terme Empathie cognitive ne vient pas de moi mais du psychiatre Serge Hefez, je croie que l’on pourrait aussi dire Empathie relationnel. Pour ce qui est de moi avec le temps je comprends de plus en plus comme fonctionne les neurotypiques, comment ils pensent, comment ils vivent et ressente leurs émotions, je peux aussi plus facilement décoder leur non-verbal et avec toutes la compréhension de mon intérieur. J’ai de moins en moins d’oppression lorsque je suis en contact avec les gens et je peux facilement trouver une façon plus adéquate de dire les choses parce que je me sens plus en contrôle de mon intérieur. Je te souhait de trouver toutes les réponses que tu auras besoin.
Alexandra
et merci pour cet article qui me permet de m’y retrouver un peu mieux !